Attendre des nouvelles

On a toutes un endroit préféré. Un lieu où l’on se sent libéré de nous-même et de la pression qu’exercent les autres autour de nous. Après mûre réflexion, l’endroit où Mme Souris se sent bien, c’est son appartement parisien. Malgré le bruit des gamins qui jouent dans le jardin privé de la résidence,  tout y est calme. En fond sonore parfois, le bruit de la télévision et du robot cuiseur. Dans l’air, un parfum de Tournesol, fleurs offerte le jour de la ponction par une copine (pour ramener le soleil parait-il). Elle se retrouve à errer en pyjama, pendant cinq jours, sans avoir envie de bouger du canapé. C’est avec un certain plaisir qu’elle s’est vautrée sur celui-ci pour regarder pleins de séries. Personne ne sait qu’elle est dans un marathon au bébé, a mi-chemin. Personne sauf cette boule d’angoisse qui ne la quitte plus, depuis la fin de la stimulation.

C’est le cerveau en mode off, assise tous les matins sur le canapé que je regarde fixement l’heure sur la pendule accrochée sur le double salon. C’est toujours fixement que je regarde l’heure qu’indique mon téléphone portable. Je veux rester concentrée au moment où le téléphone sonnera. Alors, partout où je vais – toilette, douche – cuisine – chambre, le GSM devient une extension de ma main droite. Je sais que la biologiste appellera à J1 post ponction. Et elle appelle. Sur les 14 ovocytes ponctionnés la veille,  11 ont été fécondés. Elle m’annonce avec un certain enthousiasme que c’est un très bon score. Je la crois et nous sommes heureux. Mon cerveau est anesthésié. Est-ce une j’ai le droit de croire encore un peu à une fin heureuse ? Je me prends à imaginer notre parcours PMA différemment. Une meilleure prise en charge dès le début de cette deuxième FIV, cela va s’en dire. Alors ce Happy End, en quelque sorte, on doit le mériter vu comment on galère depuis 5 ans. 

Puis les jours passent et moins je supporte cette attente. C’est fou l’espoir, c’est magnifique, tenace mais aussi très dangereux. Je n’ose plus prier Dieu – Bouddha – Dame Nature et les autres. La dernière fois, ça n’a pas fonctionné. Je dois alors attendre, ce fameux J5 post ponction, pour savoir combien ils en restent. On attend, encore et toujours, un résultat, une surprise (agréable de préférence) qu’on aura peut-être pas. Et pourtant, il y a cette petite voix, qu’on appellera espoir, qui y croira pour nous. Mais il y a aussi cette autre voix, qu’on appellera la raison, qui nous calmera sur notre enthousiasme.

Le cinquième jour, celui qu’on attend est arrivé. Comme une névrosée, je reprend l’habitude du début de semaine : le téléphone portable redevient une extension de ma main, je regarde frénétiquement l’horloge et j’attends. Attendre. Je crois que ça, je sais faire maintenant. Les heures passent et ce satané téléphone ne sonne pas. Je vérifie quand même ma boite vocal. Rien. Alors je me fixe un créneau horaire. A 12h30 je téléphone. Bon, en fait, je suis faible, à 12h20 j’ai décidé de rappeler sur le portable de la biologiste. La personne n’est pas la même qu’à J1. Celle-ci est froide et me demande même pourquoi les couples l’appellent tous à J5 alors qu’ils poussent les embryons jusqu’à J6. Je m’en pince presque parce que je crois rêvasser. Le manque de communication et de tact est tout de même impressionnant. Elle m’annonce qu’à J5, il ne nous reste que 2 blastocystes. Et qu’on ne manquera pas de m’appeler le lendemain pour me dire combien ils en restent – s’ils en restent. J’ai raccroché au étant complètement sonnée. Qu’est ce qui explique cette perte ? Est ce que ma qualité ovocytaire est pourrie en vérité ? Je devrais être heureuse c’est vrai. Beaucoup de couples se retrouvent avec une perte considérable dès J1…puis J3…et n’ont rien à J5. C’est une chance d’avoir des battants mais est-ce qu’ils vont réellement s’accrocher à mon utérus killer détectée par la biopsie MatriceLab ?

J’ai peur. Tellement peur. Mon cerveau ne veut plus réfléchir. J’essaie quand bien même de me dire que tout ira bien. Mais la chute est déjà assez grande. Alors l’atterrissage m’effraie davantage. Mon cerveau est en stand-by. Il ose ne plus y croire. Ne plus espérer que ces deux embryons à J5 tiennent le coup jusqu’à demain…

EDIT :

J6. Vous vous doutez bien que je ne suis pas en grande forme. Les larmes ce matin auront une fois de plus coulées. Je ne m’attends pas spécialement à avoir un bon résultat. S »il y en a toujours 2 en courses, tant mieux. Sinon, on espère pas spécialement grand chose. De toute façon, auront-ils l’envie de se nicher sur mon endomètre contenant une tonne de cellules tueuses? Rien n’est moins sûr. L’attente passe plus sereinement. Peut-être parce que j’ai décidé de sortir du lit, et ne pas atterrir sur le canapé mais m’occuper l’esprit à faire la cuisine pour ce soir. Le téléphone vers midi ne tarde pas à sonner.

« Bonjour Mme Souris, c’est le laboratoire FIV »  (Silence pour faire durer le suspense)… « Je vous informe que nous avons congelés 3 blastocystes J6  »

SILENCE ….!!!!!BORDEL QU’EST CE QUE TU AS DIS ?!?!?

Qu’est ce qu’elle a dit la dame ? Vous avez dis 3 J6 ? Mais vous devez vous trompez, hier, quand j’ai appelé, la femme au téléphone m’a dit qu’il en restait que 2. La dame au bout du fil m’expliquera qu’ils recommandent aux patientes de ne pas appeler parce qu’il y a toujours de l’évolution. Bon admettons, mais on m’a quand même dit qu’ils pousseraient les embryons à J5 et non pas à J6. Elle rajoutera qu’ils sont vraiment de très bonnes qualités, et que j’ai vraiment de la chance. J’en suis consciente. Nous en sommes conscients. Il y a eu de la perte. Beaucoup de perte. Mais, on a récolté les meilleurs. Et j’ai envie de croire que  comme dit notre Ribéry National : « la roue tourne va vite tourner… » Vous vous doutez bien que moralement, un de plus, ça fait toute la différence sur mon moral.

Merci. Merci à toutes de votre soutien. ❤